San Francisco, capitale des hautes technologies, championne des inégalités

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Protesters block Google bus in San Francisco (May 2018). Credits: David Streitfeld (NYT)

Sonia Lehman-Frish (Professeure à l’Université Paris Nanterre/LAVUE)

Surnommée la « ville préférée de tous », San Francisco occupe une place particulière dans l’imaginaire de l’Amérique urbaine. Habitants, visiteurs ou chercheurs s’accordent sur son caractère exceptionnel. Pour saisir le sens social de San Francisco, cette présentation reviendra sur les rapports entre les citadins et leur ville. Partant des représentations partagées que San Francisco suscite (la « ville sur la baie », la « ville de l’innovation », la « ville de la mixité », la « ville de la côte gauche », etc.), il s’agira d’évoquer ses réalités sociales, économiques, politiques et spatiales en les inscrivant dans le temps (relativement bref) de son histoire et dans l’espace (plus vaste) de sa métropole, la Bay Area. Ce faisant, il révèle toutes les ambivalences d’une ville qui est à la fois championne du progressisme et des inégalités sociales.

Florian Opillard (ATER à la Sorbonne Nouvelle/CREDA)

À partir d’un travail d’enquête au sein des mobilisations contre les processus de displacement à San Francisco, cette présentation propose de faire état de la dimension spatiale des luttes contre la gentrification et de la transformation des répertoires d’action dans la ville technologique. Démarrée en 2013, alors que les « blocages de bus Google » attiraient l’attention des médias locaux, nationaux et internationaux, cette enquête de thèse en observation participante a suivi la construction des modes d’action de deux collectifs militants. Le premier, Eviction Free San Francisco, un collectif d’ « action directe contre les expulsions locatives », rassemble locataires menacés d’expulsion et activistes pour le logement. Il organise des actions auprès des propriétaires et des « spéculateurs », pour obtenir l’annulation des procédures d’expulsion. Le second, l’Anti-eviction Mapping Project, un collectif de cartographie radicale, propose de créer des visualisations de données et des contre-discours sur les processus de dépossession des habitants. À partir des outils de la géographie, cette présentation analysera la réflexivité mise en place dans le travail d’enquête, le rapport à l’espace de ces deux collectifs (lieux, rapport au numérique, échelles d’action), ainsi que la transformation des répertoires d’action collectifs dans les processus de financiarisation de la production urbaine.

En liens avec la séance

Authier J.-Y.,  Lehman-Frisch S., 2012, « Il était une fois… des enfants dans des quartiers gentrifiés à Paris et à San Francisco », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 195, pp. 59-73.
Lehman-Frisch S., 2015, « San Francisco, métropole inégale », laviedesidees.fr
Lehman-Frisch S., 2017, « San Francisco, ville injuste? La capitale du progressisme états-unien à l’épreuve de la croissance des inégalités », Annales de géographie, n°714, pp. 145-168.

Lehman-Frisch S., 2018, Sociologie de San Francisco, Paris, La Découverte.
Opillard F., 2018, « Comparer la dimension spatiale des luttes urbaines. Analyse critique des mobilisations contre la gentrification à San Francisco (États-Unis) et contre la prédation immobilière à Valparaíso (Chili) », Annales de géographie, 2018, tome 2, n° 720, pp. 115-144.

 

L’innovation au travail

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Isabelle Berribi-Hoffmann – Seuls ensemble : Promesses et défis du travail numérique dans la région de Boston

A partir du cas de l’écosystème d’innovation de la région de Boston,  j’interrogerai les promesses et défis des modèles de travail qui s’y expérimentent. Les formes alternatives de gouvernance, de pouvoir, de régulation, de coopération, qu’on rencontre dans les makerspaces et start-ups bostoniennes  sont elles nouvelles, par rapport par exemple, aux plateformes numériques des SSII des années 1990 ? Quels tensions et défis ces fonctionnements horizontaux, sans subordination, fondés sur des imaginaires d’autonomie et des do-ocraties  soulèvent-ils ? Les imaginaires numériques s’y différencient-ils de ceux de la cote ouest des États-Unis ? Quelle est la place du conflit dans ces mondes du travail ? Sur cette dernière question le cas des communautés de Machine learners et de leurs actions collectives et résistances aux Gafa sera également mobilisé.

Paris Chrysos – L’empathie cognitive et relationnelle : process pour la gestion de l’innovation : le cas des forums Google Maps et Facebook

Sur les forums de support aux développeurs externes de Google Maps et de Facebook, seuls 15% des problèmes signalés sont résolus dans un délai de six mois. Mettant en lumière ce phénomène, cette présentation reviendra sur le type d’échanges qui s’y développe. L’empathie, à la fois dans sa dimension cognitive et relationnelle, y émerge en tant qu’expertise inédite. En effet, les types d’expertise recensés dans le monde de l’entreprise industrielle sont fixes, en ce qui concerne leur point de départ ou leurs objectifs. Dans le monde des arts, la critique empathique des managers peut être comprise comme une manipulation visant à détourner le résultat de la création artistique. Mais l’empathie observée dans les forums technologiques reste ouverte. Intervenant bien en amont d’une résolution de problèmes ou d’une mise en place des nouveaux dispositifs, l’empathie exprimée par l’expert vise à prendre soin des défis qui, justement, ne peuvent pas être encadrés par l’expertise standard. Dans le cadre de l’innovation ouverte, les dynamiques cognitives et relationnelles dépassent les limites de l’entreprise. Comblant cet écart, les forums technologiques deviennent des lieux d’expression relativement autonomes. L’empathie des écosystèmes technologiques ne vise pas les finalités des projets des parti-prenants et reste ouverte quant à sa démarche. Au plan cognitif, elle éclaire la situation dans laquelle un souhait est exprimé en développant des savoirs et des idées. Au plan relationnel, elle développe des liens parmi les participants, au sein du lieux en question.

En liens avec la séance

Berrebi-Hoffmann I. (dir.), 2009, Politiques de l’intime – Des utopies dhier aux mondes du travail d’aujourd’hui, Paris, La Découverte.

Berrebi-Hoffmann I. (dir.), 2010, La division internationale du travail dans les services informatiques – Offshore et stratégies de ressources humaines des grandes SSII

Berrebi-Hoffmann I., 2016, « Des mondes du travail sans hiérarchie ? », in Les organisations, Auxerre, éd. Sciences humaines, 4ème édition, p. 171-182.

Berrebi-Hoffmann, I., 2016, « De la ‘non-organisation’ à la démocratie liquide – Agir, coopérer et décider ensemble, sans chef ? », »,  in Poétique(s) du numérique, «  Les ateliers des possibles entre esthétique et politique » 4, p. 118-123.

Berrebi-Hoffmann, I., 2019, « Ce que les algorithmes nous disent des transformations du travail  »  in E. Bourdu, M.Lallement, P. Veltz, T. Weil (dir), Le travail en mouvement, Paris : Presses des MINES.

Berrebi-Hoffmann, I., Bureau MC., Lallement M., 2018,  Makers. Enquête sur les laboratoires du changement social, Paris, Seuil.

Chesbrough, H. W., 2003, Open Innovation: The New Imperative for Creating And Profiting from Technology. Harvard Business Press, Boston, Mass., first trad edition.

Chiapello, E., 1998, Artistes versus managers: le management culturel face à la critique artiste. FeniXX, Paris.

Chrysos, P., 2013, Quand les utilisateurs créent l’industrie. Le cas des applications Web. Thèse de Doctorat en Sciences de Gestion, Mines-ParisTech.

Chrysos, P., 2016, Monuments of cyberspace: Designing the Internet beyond the network framework. First Monday, 21(12).

Chrysos, P., 2018, Empathy in the business model: how Facebook and Google Maps manage external problem-solving processes, Working Paper.

Hatchuel, A. and Weil, B., 1992, L’expert et le système: gestion des savoirs et métamorphose des acteurs dans l’entreprise industrielle, suivi de quatre histoires de systèmes-experts. Paris, Economica.

Larousserie, D., 2015, Voyage sur la planète des développeurs Qui sont ces passionnés de l’innovation, omniprésents dans le monde numérique ?, Le Monde.