La pyramide et l’escalier. Comment la Silicon Valley a fait du réseau un modèle de société

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Mardi 12 février 2019, 11h-13h, EHESS, 54 Bd Raspail, 75006, salle 6_51

Présentation d’Olivier Alexandre (CNRS/LIP6-CEMS)

Le numérique est le nom d’une promesse incarnée par la Silicon Valley : faire du monde un réseau, où s’effaceraient les logiques de blocs, les hiérarchies organisationnelles, les frontières culturelles et les monopoles d’information. L’application du design à l’informatique par William Hewlett et David Packard, le Whole Earth Catalog de Steward Brand, les démos  de Steve Jobs, l’architecture de Twitter sont sous-tendus par un même idéal de société : celui d’un graphe ouvert, consacrant la démocratisation de la connaissance, des innovations et des formes de collaboration. Ce modèle se manifeste dans l’histoire de la Silicon Valley à travers l’émergence de plusieurs figures devenues des emblèmes : le cadre y a laissé la place aux entrepreneurs ; le banquier aux VC ; l’intellectuel aux influenceurs ; la grande entreprise aux plateformes. Cette présentation reviendra sur la formation de ce modèle et son ressort : la transformation de communs (information, travail, données) en propriétés privées. Ce fonctionnement laisse entrevoir l’ambigüité morale de la Silicon Valley ; faire prévaloir l’idéal du réseau et la capitalisation des savoirs.

En liens avec la séance

« Des médias de masse à la révolution numérique. Entretien avec Fred Turner« , La Vie des idées, 13 mars 2015.

« The City and the Valley« , Paris Innovation Review, 8 janvier 2017.

« Burning Man. L’esprit de la Silicon Valley« , Revue du Crieur, 11, Septembre 2018.

 

La Silicon Valley. Modèle managerial et formes organisationnelles

rocketland21A Titan IV rocket engine tested on the United Technologies site on Coyote Ridge south of San Jose (CA), in the 1970s (The Mercury News, October 5, 2014)

Christophe Lécuyer (UPMC/LIP6). Les relations sociales au sein des entreprises de la Silicon Valley

Des années 1930 aux années 1970, les entrepreneurs de la Silicon Valley ont expérimenté de nouvelles techniques d’organisation du travail et de gestion des employés (travail en équipes, participation à la prise de décision et aux bénéfices, actionnariat salarié, stock options, opposition virulente aux syndicats) afin de renforcer la cohésion de leurs sociétés. Ils cherchaient aussi bien à réduire les inégalités entre salariés qu’à conserver et mobiliser leurs cadres, ingénieurs et techniciens. Trois approches corporatistes (au sens américain du terme) peuvent être distinguées : le paternalisme participatif de Litton et Hewlett-Packard ; le corporatisme de gauche de Varian Associates ; et le corporatisme entrepreneurial de Fairchild et Intel. Cette troisième approche s’imposa dans la Silicon Valley durant les années 1970 et 1980. Depuis les années 1990, cette forme de corporatisme a connu des évolutions importantes liées notamment aux nouvelles règles comptables sur les stock options. Bénéficiant du renchérissement de la valeur de leurs actions, de nombreuses entreprises, à la manière de Google et Facebook, ont systématisé la distribution d’action à leurs employés, en plus de salaires élevés et d’un ensemble de services offerts sur les lieux de travail.

Arnaud Saint-Martin (CNRS/CESSP). Modeler le « NewSpace » : espaces des possibles et enjeux sublunaires

L’exposé reviendra sur l’émergence d’un mot d’ordre, la « privatisation » du spatial, résumé par l’expression de consommation courante NewSpace. Apparu progressivement au cours des années 1970, il s’est reconfiguré au tournant des années 2000 sous la forme d’une nouvelle conception de l’action publique dans le domaine de l’astronautique. Développée d’abord aux États-Unis, en particulier en Californie, elle s’est progressivement diffusée dans d’autres pays où le spatial demeure une affaire d’État. La présentation s’appuiera sur une enquête de terrain en cours dans la Silicon Valley et les zones d’implantation historiques du spatial américain et européen (principalement en France et au Luxembourg). L’enjeu sera de tracer la socio-genèse d’un modèle organisationnel dont l’un des motifs privilégiés est la promotion d’une économie des promesses techno-scientifiques et d’un esprit startup, y compris dans les agences spatiales gouvernementales. Il s’agira ce faisant de sortir du lieu commun de la « nouvelle course à l’espace », inspirée par les milliardaires « visionnaires » de la tech.

En liens avec la séance

Lécuyer, C., “High Tech Corporatism: Management-Employee Relations in U.S. Electronics Firms, 1920s-1960s”, Enterprise and Society, 4, 2003, p. 502-520.

Saint-Martin, A., « Elon Musk, flambeur du capitalisme technologique », La Vie des idées , 26 octobre 2018.